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[numRevue]Novembre 2011 • Vol 7 No 2[/numRevue]

[lienPDF]/wp-content/uploads/2011/11/Perspectives-collégiales-–-Novembre-2011.pdf[/lienPDF]

[titre]De la cellule à la classe[/titre]

En septembre, le Cégep Marie-Victorin est devenu le premier établissement non universitaire au Canada à mettre sur pied une Chaire UNESCO. Le mandat de cette Chaire? Promouvoir, stimuler et encourager la recherche appliquée pour l’éducation en prison.

C’est avec la diffusion d’un documentaire produit à l’occasion du 30e anniversaire des services qu’il offre en prison que le Cégep Marie-Victorin a pris la pleine mesure de son expertise en milieu carcéral, mais surtout de l’intérêt que celle-ci suscite.

[citation]« Avec l’instruction, les détenus retrouvent des valeurs importantes et leur conception de la société est plus nuancée. »[/citation]

« L’UNESCO nous a signalé qu’il serait très intéressant que d’autres pays soient au fait de nos actions », raconte Jean-Pierre Miron, titulaire de la Chaire UNESCO de recherche appliquée pour l’éducation en prison et directeur du Bureau de développement international du collège. « On nous a en quelque sorte invités à prendre le leadership international de toutes les actions éducatives qui se font dans ce milieu », ajoute-t-il, en se remémorant les réflexions et les démarches menées par la suite pour que le collège se voie finalement accorder cette Chaire qui lui assure aujourd’hui une présence mondiale et une réputation de chef de file du domaine.

Des détenus en classe... en prison


[sousTitre]Au-delà du diplôme, allumer une flamme[/sousTitre]

À l’initiative du Cégep Marie-Victorin, enseignants et aides pédagogiques individuels se succèdent à l’intérieur des murs des pénitenciers, pour y donner des cours, bien sûr, mais aussi pour y mettre en place des conditions propices à l’apprentissage dans un milieu particulièrement difficile. Les détenus qui sont inscrits en Sciences humaines ou en Techniques de l’informatique, les deux programmes de DEC qui leur sont offerts, étudient cinq jours par semaine durant quatre sessions, en classe avec un enseignant ou en salle d’études avec un aide pédagogique individuel. Celui-ci assure la cohésion des actions de formation et s’emploie à constituer tous les jours un milieu de vie pour ces détenus qui oublient leur condition et leur environnement pendant quelques heures pour n’être plus que des étudiants.

Des étudiants particulièrement studieux, d’ailleurs. « C’est toujours surprenant de voir à quel point ils sont appliqués et intéressés, à quel point ils s’investissent », souligne M. Miron qui leur a longtemps enseigné avant d’accéder aux fonctions qu’il occupe aujourd’hui, sans avoir jamais eu à faire face au moindre incident.

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L’octroi par l’UNESCO de cette Chaire au Cégep Marie-Victorin s’inscrit dans la continuité du Cadre d’action de Dakar au Sénégal adopté en 2000 par 164 pays. Ce cadre d’action affirme que l’éducation est un droit pour toutes les personnes dans toutes les circonstances, ce qui inclut les personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées, telles que les prisonniers.

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Au total, 135 détenus de l’un ou l’autre des six établissements pénitentiaires où le Cégep Marie- Victorin est présent ont obtenu leur DEC depuis l’hiver 2000. Mais la portée de la formation donnée chaque session à environ 80 détenus s’étend bien au-delà du seul fait de décrocher un diplôme. Selon Jean-Pierre Miron, la formation collégiale offre aux détenus la possibilité de s’ouvrir aux autres, mais aussi à eux-mêmes, de se resocialiser : « Quand tu es en prison, tu dois réapprendre à te voir et à voir les choses autrement. Et quand tu ne sais rien, tu n’es pas capable de mettre des mots sur des situations, ton jugement est trop tranché, c’est blanc ou c’est noir! Avec l’instruction, on donne aux détenus la possibilité de mettre des nuances, ce qui les aide au pénitencier, mais aussi quand ils en sortent. Ils ont alors retrouvé des valeurs importantes et leur conception de la société est plus nuancée. » Pour ces hommes et ces femmes qui, chaque jour, vont de leur cellule à la classe, suivre une formation collégiale signifie non seulement qu’ils peuvent obtenir un diplôme reconnu, mais aussi qu’ils auront quotidiennement la possibilité d’échanger avec des personnes qui ont une expertise… et qui ne constituent pas une menace. « Cette relation entre les enseignants et les détenus a quelque chose de profondément humain, fait remarquer M. Miron. Les échanges allument une flamme, des petites lumières dans les yeux d’un détenu. Et quand tu vois ensuite que ces petites lumières ont changé sa façon d’être, tu te dis : “ça marche!” ».

[citation]« On nous a invités à prendre le leadership international de toutes les actions éducatives qui se font en milieu carcéral. »[/citation]

Ceux et celles qui enseignent en prison, que ce soit en psychologie, en sociologie ou dans une autre des matières des programmes d’études offerts, donnent aussi des cours à l’extérieur, dans des établissements scolaires. Ils peuvent être de provenances diverses, mais ils ont en commun ce que Jean-Pierre Miron appelle « une âme d’éducateur » : leur conception du travail repose sur la conviction que la transmission de la matière passe par une relation significative avec l’étudiant ou l’étudiante, explique-t-il. Et, de toute évidence, cela fonctionne. Dans son rapport d’évaluation du programme Sciences humaines offert en milieu carcéral par le Cégep Marie-Victorin, la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial — qui, depuis 1993, porte un jugement sur la qualité de la formation offerte dans les établissements du réseau collégial — conclut à une « mise en œuvre remarquable » de ce programme. Pour le collège, la relation avec l’étudiant incarcéré est à ce point fondamentale qu’elle se prolonge souvent une fois que ce dernier a réintégré la vie en société. On a en effet mis en place un programme d’accompagnement pour les détenus qui ont fini de purger leur peine et qui n’ont pas terminé leur programme de DEC; on les aide à s’inscrire dans un établissement collégial, que ce soit le Cégep Marie- Victorin ou un autre, et on leur offre la possibilité de bénéficier d’un soutien tout au long de leurs études au cégep. Une façon pour le collège de terminer à l’extérieur le travail entamé à l’intérieur des murs du pénitencier, mais surtout, d’offrir à l’ex-détenu toutes les chances de réussir sa réinsertion sociale.


[sousTitre]Les mots pour expliquer et développer[/sousTitre]

Cette préoccupation marquée pour l’établissement d’une relation humaine et pédagogique significative entre l’enseignant et le détenu, elle sera au cœur de l’action de la nouvelle Chaire UNESCO. « Il est difficile de s’imaginer à quel point cette relation peut être intense et, en ce moment, nous n’avons pas les mots pour expliquer combien elle est importante dans la réussite et dans la resocialisation des détenus », indique M. Miron. Il n’est donc pas surprenant que ce soit précisément sur ce sujet que porte la première recherche de la Chaire.

Jean-Pierre Miron, titulaire de la Chaire UNESCO de recherche appliquée pour l’éducation en prison

Une enseignante en sciences sociales travaille en effet à mieux comprendre et à faire comprendre le rôle de cette relation dans le processus pour aider le détenu à redevenir un citoyen. Et ce travail viendra enrichir l’éducation en milieu carcéral partout sur la planète. Parce qu’une Chaire UNESCO est forcément internationale et met en liaison les meilleures compétences de tous les pays. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le titulaire de cette Chaire au Cégep Marie-Victorin cumule une expérience d’enseignement en milieu carcéral et des compétences de responsable international dans un établissement collégial.

Le comité scientifique de la Chaire, présidé par Paul Bélanger, professeur à l’UQAM et directeur du centre de recherche interdisciplinaire sur l’éducation permanente, illustre aussi la résonnance mondiale qu’auront les actions entreprises ici, avec ses experts issus non seulement du Canada, mais aussi des États-Unis, du Mexique, de l’Amérique du Sud, de l’Angleterre, du Maroc, du Sénégal, de Singapour et de l’Australie.

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Le Programme des Chaires UNESCO a été lancé en 1992, conformément à une résolution adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO. Le programme couvre la formation, la recherche et les échanges, et sert de cadre pour le partage de l’information dans les principaux domaines liés au mandat de l’UNESCO. Il existe actuellement 12 Chaires au Canada, selon le site Web de l’UNESCO : 11 ont été attribuées à des universités, la 12e ayant été accordée au Cégep Marie-Victorin.

www.unesco.ca/fr/interdisciplinaire/chaires/LesChairesUNESCOauCanada.aspx#liste

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En collaboration avec le comité directeur de la Chaire que préside la directrice générale du Cégep Marie-Victorin, Nicole Rouillier, le comité scientifique travaillera à l’atteinte d’objectifs bien définis, parmi lesquels figure, outre la recherche et l’amélioration de la qualité des services d’éducation en prison, la constitution d’une communauté d’intérêts internationale regroupant des chercheurs, des professeurs, des administrateurs de prison, des organismes non gouvernementaux, etc. De grandes ambitions pour cette Chaire encore toute jeune, sans parler du financement qu’il faut assurer. Ces défis n’effraient cependant pas son titulaire : « Ce sont assurément des objectifs ambitieux, mais nous allons réussir parce qu’il y a des gens passionnés qui se mettent à l’œuvre ».

Site Web de la Chaire : https:// www.cmv-educare.com