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Par Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps

La Fédération des cégeps a présenté un mémoire à la Commission parlementaire sur la réforme de la sécurité du revenu, le 11 mars dernier.

C’est de notre point de vue d’éducateurs que nous avons analysé le projet de réforme de la sécurité du revenu. Les jeunes qui fréquentent les cégeps ne sont peut-être pas dans la même situation que ceux et celles qui ont recours à l’aide sociale pour survivre, mais ils connaissent eux aussi des heures difficiles. Cela nous rend particulièrement sensibles aux problèmes de la jeunesse québécoise dans son ensemble, et cela motive les sérieuses réserves que nous avons sur la disposition prévue dans la réforme pour les jeunes prestataires.

Nous nous opposons à ce que les prestataires de 18 à 24 ans soient forcés, dès l’application du nouveau régime, à s’inscrire dans une démarche active d’intégration sociale et professionnelle, et cela sous peine de pénalité financière. Bien entendu, il faut tout faire pour intégrer sur le marché du travail ceux et celles qui y sont aptes. L’idée d’encadrer l’insertion professionnelle par un « contrat » entre l’individu et l’État nous paraît souhaitable, puisqu’elle jette les bases du droit individuel à l’emploi. Il est aussi légitime, croyons-nous, de transmettre à certaines personnes des signaux clairs sur leur obligation de se soustraire à la sécurité du revenu si elles sont aptes au travail. Nous comprenons également que les nouvelles dispositions d’insertion soient offertes en priorité à des prestataires dont on a intérêt à briser rapidement la dépendance par rapport à l’aide sociale.

Résurgence des siècles passés?

Mais nous nous interrogeons sur les fondements de l’approche préconisée dans le Livre vert pour les 18-24 ans. Il n’est pas question pour nous d’engager le débat sur la légitimité de lier obligatoirement les prestations de dernier recours à la participation des personnes aptes au travail à des activités communautaires, à des programmes d’employabilité ou à des démarches d’insertion à l’emploi. Nous constatons cependant que la généralisation actuelle de cette approche, dans plusieurs pays, marque la résurgence des pratiques des siècles passés qui distinguaient les pauvres « méritants » de ceux qui ne l’étaient pas.

Or, l’efficacité de ces pratiques est loin d’avoir été démontrée. En fait, elles semblent surtout destinées à satisfaire l’opinion publique, pour qui la hausse du nombre de prestataires de la sécurité du revenu est davantage causée par le manque de volonté de ces personnes de s’en sortir que par la persistance de la crise de l’emploi.

Une jeune génération frappée durement

Nous sommes donc réservés sur le système du « workfare », et nous sommes fermement opposés à son application aux jeunes d’abord. Il s’agit là d’une mesure discriminatoire et inéquitable, qui détonne complètement avec la vision et les principes qui animent le projet de réforme de la sécurité du revenu, projet que nous jugeons pourtant légitime dans son ensemble.

La jeune génération, il ne faut pas l’oublier, est frappée durement par les conséquences de la crise, mais aussi par notre propre imprévoyance. C’est une génération qui goûte aux fruits amers des cheminements scolaires difficiles, de la restructuration du monde du travail, de celle de la famille. Peut-on tenir les jeunes individuellement responsables de cela?

Quand la situation est favorable, les possibilités offertes à la jeunesse sont presque illimitées; ce fut notre lot, il y a 20 ou 30 ans. Mais quand la situation est moins propice, les jeunes sont les premiers à en subir les conséquences. On continue cependant à les juger avec le souvenir de notre propre jeunesse, et alors ceux qui ne travaillent pas deviennent à nos yeux des abuseurs de l’aide sociale, des fraudeurs qu’il faut pénaliser.

C’est en tout cas le message que percevra l’opinion publique à travers la disposition prévue par la réforme. Et toutes les dénégations et tous les plaidoyers de bonnes intentions du gouvernement n’y pourront rien. De toute façon, cette disposition est probablement inutile : le nombre de places actuellement disponibles dans les programmes volontaires d’employabilité ne suffit même pas à répondre à la demande.

S’occuper des 16-18 ans

Nous croyons qu’il faut plutôt prendre en main les jeunes qui, entre 16 et 18 ans, sont en rupture avec les réseaux naturels d’appartenance. L’intervalle pendant lequel ces jeunes quittent le système scolaire et sont sans emploi est effectivement critique, et personne ne semble vouloir s’en préoccuper. C’est pourquoi nous jugeons, comme la Commission des États généraux sur l’éducation, qu’il faut évaluer le degré d’alphabétisation de tous les jeunes à l’âge limite de la scolarisation obligatoire, quel que soit le niveau où ils se trouvent. Les analphabètes de 16 ans ne sont-ils pas, à court terme, des candidats à la sécurité du revenu? Des dispositions particulières devraient être prises pour tous ceux et toutes celles qui, à cet âge, n’auraient pas encore atteint les standards de base. Ce serait là, à notre avis, la façon la plus novatrice de favoriser l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Et de les préparer à occuper leur place dans la société du savoir.