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Par Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps

Avec le Rendez-vous national des régions, le gouvernement veut poursuivre avec les régions un dialogue qui mènera à l’élaboration d’un plan d’action. C’est une excellente nouvelle. Il m’apparaît essentiel en effet que le gouvernement agisse rapidement pour donner un nouvel essor à l’économie et à la vie socioculturelle des régions. Et il devra le faire avec les cégeps, qui sont présents sur tout le territoire. C’est là un atout indéniable pour le Québec de demain, qui se bâtira sur la base de l’ensemble de ses régions — des régions fortes, des régions en croissance — y compris les centres urbains tels que Montréal, Québec et Laval, qui n’ont malheureusement pas été invités à participer aux échanges.

Les difficultés des régions, nous y sommes confrontés depuis un certain nombre d’années dans le réseau collégial public. En 1997, déjà, nous avions donné l’alerte en signalant que des cégeps vivaient les premiers effets de la baisse démographique, avec tout ce que cette situation peut avoir de préoccupant. Nous considérons que la question concerne toutes les régions, y compris celles qui n’ont pas à composer avec le problème. Les milieux en croissance démographique vivent d’autres réalités qui doivent également être prises en compte, non pas en parallèle, mais simultanément, pour que nous puissions en arriver à des solutions qui profitent à tous. À mon avis, il en va des régions comme des cégeps : elles doivent se développer de concert, et cela, quelle que soit leur situation actuelle.

Des établissements enracinés dans leur milieu

Dans son plan d’action, le gouvernement tablera sur les outils actuels et futurs pour favoriser la croissance régionale. Le cégep est assurément l’un de ces outils. Les 48 collèges jouent depuis 35 ans un rôle de premier plan pour accroître la vitalité de leur milieu. Ils préparent les jeunes et les adultes aux études universitaires, et les forment pour le marché du travail. Donner aux régions les moyens de se développer de façon durable, n’est-ce pas d’abord offrir une éducation postsecondaire au plus grand nombre possible de jeunes et d’adultes? C’est ce qu’on peut conclure à la lecture d’une étude publiée en 2001 par l’OCDE* : au cours des vingt dernières années, ce sont les professions intellectuelles et scientifiques, les emplois de techniciens et ceux liés à l’administration et à la gestion qui ont connu la progression la plus marquée.

En offrant, par ailleurs, un accès à l’enseignement supérieur partout, les cégeps participent à la lutte contre l’exode des jeunes, un phénomène inquiétant, surtout dans un contexte de baisse démographique. Le Conseil permanent de la jeunesse, dans son rapport de 1997, concluait : « Pour les jeunes, il n’y a pas d’ambiguïté. Le premier pas vers l’exode, ce sont les études. » Depuis leur création, les cégeps s’emploient à retenir les jeunes chez eux, tout en agissant comme pôles scientifiques et culturels. Que serait, par exemple, la relève artistique québécoise sans Cégeps en spectacle et ses finales locales et régionales?

Il y a également au Québec 28 centres collégiaux de transfert de technologie, qui sont un levier de développement sur lequel les régions peuvent compter. Que ce soit dans le domaine des biotechnologies, de la production automatisée ou dans celui des procédés chimiques, par exemple, ces centres contribuent à l’avancement technologique des PME et du monde industriel. C’est pourquoi le gouvernement doit les soutenir et en créer de nouveaux dans les régions qui en sont actuellement privées.

Trois dossiers à faire progresser

Pour agir davantage sur le développement des régions, les collèges doivent aussi pouvoir croître. À cet égard, je considère qu’il y a au moins trois choses que le gouvernement du Québec doit régler de toute urgence. D’abord, faire de la formation technique une priorité nationale. Les régions doivent pouvoir compter sur une main-d’œuvre qualifiée pour répondre aux besoins de leurs entreprises et en attirer de nouvelles. Les employeurs exigent de plus en plus le diplôme d’études collégiales lorsqu’ils embauchent : 60 % des postes qui seront offerts d’ici 2005 demanderont au minimum des compétences de niveau technique, selon Emploi-Québec. J’arrive mal à m’expliquer, devant cet état de fait, pourquoi le gouvernement favorise le développement de la formation professionnelle au secondaire au détriment de la formation technique. Entre 1997 et 2002, il a accordé 40 autorisations de programmes en formation technique au cégep et 205 en formation professionnelle! En agissant de la sorte, le Québec fait fausse route. Il faut investir en formation technique, y consentir les ressources nécessaires, créer des programmes qui correspondent toujours mieux aux besoins du marché du travail et surtout amener plus de jeunes à choisir cette voie d’avenir. C’est une question de bon sens.

Je suis convaincu par ailleurs que l’avenir des régions passe aussi par le développement de créneaux d’excellence. En approfondissant des domaines de spécialisation, en établissant des alliances stratégiques avec les universités et en s’appuyant sur les centres collégiaux de transfert de technologie, les établissements du réseau collégial public pourraient contribuer à établir dans certaines régions une véritable image de marque dont le rayonnement pourrait s’étendre à l’échelle nationale, voire internationale. Ce faisant, ils attireraient des jeunes de partout au Québec — et même d’ailleurs — et favoriseraient l’émergence d’une main-d’œuvre locale très qualifiée.

Enfin, au moment où la baisse démographique affecte certains collèges, pourquoi ne pas encourager davantage la venue d’étudiants étrangers? Actuellement, les politiques du gouvernement empêchent les collèges d’accueillir plus d’étudiants de l’extérieur et le Québec accuse un retard certain en ce domaine par rapport à d’autres provinces canadiennes. En 1999-2000, par exemple, les collèges du Québec ont reçu 742 étudiants étrangers, alors que l’Ontario en comptait 6631 et la Colombie-Britannique, 8225. Les droits de scolarité fixés pour les cégeps par le ministère de l’Éducation constituent de toute évidence un obstacle important : ils se chiffraient à 10 149 $ en moyenne l’an dernier, ce qui est plus élevé que le montant demandé par les collèges privés et les droits exigés au premier cycle universitaire! Dans l’intérêt collectif, il faut espérer que la récente Stratégie sur l’internationalisation de l’éducation du gouvernement aura des suites et que les collèges québécois pourront recruter et accueillir un plus grand nombre de ces étudiants.

Des conditions favorables

Le développement des régions dans les prochaines années dépend beaucoup des choix que nous ferons dès maintenant en éducation. Pour aller de l’avant, les collèges doivent d’abord être mieux financés. Au cours des dernières années, ils ont absorbé des compressions budgétaires de l’ordre de 266 millions de dollars, pour ensuite se voir octroyer la plus petite part du réinvestissement gouvernemental en éducation. À tel point que le niveau actuel de financement du réseau collégial public ne représente que 80 % de ce qu’il était en 1994. D’autre part, pour mieux adapter leurs services aux besoins de leur communauté, les collèges doivent pouvoir mettre de l’avant des initiatives locales et régionales. Ils devront pour cela être en mesure de s’appuyer sur une organisation du travail renouvelée, adaptée, une organisation du travail plus souple, responsable et centrée sur une gestion optimale des ressources. Ces conditions mises en place, l’ensemble des établissements du réseau collégial public poura travailler plus efficacement que jamais à faire du développement durable des régions une réalité. Et cela, pour le plus grand bénéfice du Québec de demain.

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* Organisation de coopération et de développement économiques, Analyse des politiques d’éducation, 2001, p. 115.